Projet de loi 3Ds : différenciation, décentralisation, déconcentration de l’action publique locale

Projet de loi 3DS et décentralisation dans la République

Projet de loi dit 3DS et décentralisation dans la République

 

 

Défense d'amendement par le Sénateur Gérard LAHELLEC

Ma position sur les sujets de la déconcentration et de la décentralisation est la suivante : je suis favorable à une décentralisation dans la République mais je suis fondamentalement opposé à une décentralisation de la République qui porterait en germe l’émergence d’un Etat fédéral, avec autant de « Landers » qui constitueraient autant de « zones franches » qui pourraient s’exonérer ainsi de toutes les conquêtes sociales et démocratiques nationales qui résultent des luttes qui ont jalonné notre histoire.


Mais je suis favorable à une décentralisation démocratique qui nous ferait cheminer vers la constitution d’une 6ème République. Je considère en effet que s’il est vrai que la République a porté les valeurs d’égalité dont les Jacobins furent des acteurs décisifs, il n’est pas moins vrai que la République s’est aussi construite sur la négation des apports des cultures minoritaires et sur une forme d’uniformisation Bonapartiste négligeant les spécificités et la richesse des diversités locales et régionales. Ainsi, par exemple, si la langue de la République est « le Français », elle fut aussi le vecteur de la promotion d’une culture qui fit aussi l’apologie du colonialisme… Bref, je considère qu’une République moderne est une République qui promeut sa culture et ses actes, non par exclusion des cultures régionales, locales ou minoritaires mais par une prise en compte de celles-ci en s’instruisant toujours plus de leur apport. Ce n’est pas ce qu’a fait la République à laquelle pourtant notre peuple doit beaucoup !


Que se passe-t-il avec la loi dite 3DS ?


Comme toujours, depuis le début de ce quinquennat, le débat autour de cette loi est fait pour promouvoir la politique du Président de la République et pour tenter de nous faire croire que l’objectif serait de « réduire la fracture démocratique » en faisant mine d’écouter le peuple et son aspiration à être mieux entendu. On voit ce que cela a donné en termes de participation aux dernières élections où nous avons vécu l’illustration d’un véritable naufrage de notre démocratie ! mais la démarche est toujours la même : faire porter la responsabilité du naufrage aux représentants de nos vieilles institutions, inventer des lieux de représentations avec des citoyens tirés au sort et créer cette illusion de modernité dont le chef d’orchestre est le Président moderne et dynamique ! Nous allons donc vivre un moment de débat sans fin qui sera peut-être supplanté par un congrès du Parlement qui serait réuni à Versailles ? Peut-être pour parler de dispositions futuristes que l’on pourrait imaginer afin de donner un peu plus la parole au peuple par la promotion des usages du numérique ? la multiplication des contributions qui ont suivi l’ample phénomène abstentionniste des élections du 20 juin me conduit à considérer que celles-ci préparent sûrement l’annonce d’une initiative Présidentielle sur le sujet.

 

Dans « le Guépard » de Tomasi de Lampedusa, mis en film par Visconti, Tancrède au moment de rejoindre les chemises rouges confiait à son oncle les raisons profondes d’un choix qui n’avait que l’apparence du romantisme patriotique : « il faut que tout change pour que tout reste comme avant ». On peut se demander si cette philosophie cynique n’est pas celle du gouvernement et du Président de la République car il faut bien reconnaître que les longs débats parlementaires que nous vivons et qui nous occupent beaucoup ne sont pas fait pour dévaloriser l’initiative parlementaire et donc une certaine représentation démocratique ?


La meilleure preuve nous vient maintenant de cette loi 3DS. En effet, si l’objectif poursuivi était de mieux faire prendre en compte les réalités du « terrain » et la diversité de celles-ci, la première chose à faire serait de restaurer la « clause générale de compétence » or, il n’en est absolument pas question ! En vérité, l’obsession reste toujours de réduire l’ambition publique et de mettre toujours plus chaque collectivité dans le corset strict de la réduction de la dépense publique. Mais plus fondamentalement, la succession des projets de lois remet à chaque fois à l’ordre du jour les mêmes questions récurrentes au point d’avoir à redire la même chose à chaque fois qu’une nouvelle loi arrive en débat…