La ferme France décroche
Alors que se pose à nous, de manière cruciale, la facilitation de la transmission des exploitations et le renouvellement des générations dans l’agriculture, notre agriculture décline de plus en plus ! Elle est finie donc la grande époque où on se glorifiait de notre excédent commercial agroalimentaire : depuis 2015, la France est déficitaire avec l’Union Européenne. Elle l’est aussi avec le monde alors que le commerce agroalimentaire mondial ne s’est jamais aussi bien porté. Deux tiers de ces pertes de marchés seraient imputables à un « manque de compétitivité ». Il est vrai que les politiques qui se sont succédé ont consisté presque exclusivement à encourager la recherche de la montée en gamme et la promotion de diverses « niches » pour tendre à améliorer le niveau de revenu des producteurs. Dans le même temps nous avons délaissé les « productions standards » ce qui a eu pour effet de laisser entrer plus facilement sur notre territoire les produits les plus consommés dont nous ne maîtrisons pas les normes de production. En voici quelques exemples : nos exportations de farines ont été divisées par dix depuis 1995 alors que les farines allemandes détiennent aujourd’hui 30% du marché des grandes surfaces ; nos exportations de pommes ont été divisées par deux depuis 2013, avec désormais un tiers des pommes utilisées dans la transformation qui sont importées ; un poulet sur deux consommés en France provient aujourd’hui de l’extérieur !
Les gouvernements n’ont donc pas réussi à ralentir le déclin de notre agriculture alors que les dispositifs complexes des lois Egalim ne parviennent pas à garantir un prix de référence et encore moins à assurer un « ruissellement » de la valeur vers les exploitations. La recherche de la « compétitivité »de la ferme France ne doit donc pas être un sujet tabou ! La liste des mesures à mettre en œuvre serait longue mais il est clair que l’objectif devrait être de promouvoir et d’encourager un standard de qualité pour tous ! La production alimentaire standard la plus consommée ne doit pas être délaissée. C’est aussi une exigence de justice car la prise de repas dans la restauration collective ne doit pas conduire les pouvoirs publics à renoncer aux exigences de qualité ! Certes, il convient de maîtriser le poids des coûts de production et des diverses dispositions fiscales… mais la démonstration est faite du besoin de sauvegarder tous nos types d’agricultures vivrières qui vont conditionner aussi la pérennité de nos élevages…
Deuxième producteur de lait en Europe, la France est autosuffisante en lait et ne dépend pas des importations des autres pays, contrairement à de nombreux autres produits. Mais la sécheresse, qui touche notre pays depuis plusieurs semaines, menace la filière laitière. Alors que la pluie continue à manquer, le fourrage se fait de plus en plus rare et les prix explosent. Sans compter la hausse du prix de l’énergie et des emballages plastiques qui ne font qu’augmenter les coûts de production du lait. Difficile pour les éleveurs d’envisager l’avenir dans un tel contexte et de ne pas mettre la clé sous la porte. Si les éleveurs se détournent de leur activité, les bouteilles de lait viendront à manquer dans nos supermarchés… ou elles seront importées !
Gérard Lahellec
Le 06/10/22