Enjeux du Fret ferroviaire
S’il est vrai que l’objectif du doublement de la part du mode ferroviaire pour le transport des marchandises est largement partagé par l’ensemble du monde institutionnel, plusieurs questions subsistent sur les modalités à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif !
1. Arrêter la spirale du déclin.
La part du ferroviaire représente seulement 9% des flux de marchandises en France. Le doublement de ce ratio à l’échéance 2030 remettrait le ferroviaire au niveau qui était le sien avant l’ouverture à la concurrence ! Ce constat est factuel et pourrait conduire à considérer qu’il suffirait de revenir au « temps d’avant » pour résoudre le problème et atteindre l’objectif annoncé ! Or, en vérité, c’est le fait d’avoir enclenché un processus récessif consistant à se désengager des activités les moins rentables qui a conduit à ce recul considérable de la part du ferroviaire dans le transport de marchandises.
On observera, en outre, que la logique consistant à « laisser faire le marché » ne permet pas de répondre à un objectif d’utilité publique. Les externalités positives du développement du fret ferroviaire (notamment environnementales, de santé et de réduction d’émissions) n’étant pas « monétisables » il est donc légitime de les compenser par des financements et partenariats publics.
Dès lors se pose une question : faut il accepter une approche identique pour tous les opérateurs c’est à dire traiter de la même manière l’opérateur dont la stratégie est de se déployer pour servir son propre marché et l’éventuel opérateur qui accepterait d’assurer des missions d’utilité publique et de mutualisation des usages ?
Enfin, quelle devrait être l’instance de gouvernance stratégique qui serait chargée de piloter cette politique publique ?
2. Définir une approche populaire.
Il s'agit d'associer largement les cheminot-e-s, les professionnels des transports et populations à l’utilité publique du développement du fret. Le développement du fret ferroviaire est un véritable enjeu qui appelle à œuvrer sans attendre pour relever un défi qui concerne tout le monde ! N’y aurait il pas lieu de commencer par l’élaboration d’une communication accessible sur ce sujet ?
Je crains en effet que les diverses démarches en cours pour rechercher des financements ne se heurtent à un déficit de lisibilité de leur objet et deviennent dès lors un motif pour justifier un refus de s’engager (ce pourrait être le cas par exemple pour le ministère des finances ?)
3. Définir un schéma national de développement du fret ferroviaire?
Pour atteindre les objectifs du doublement de la part du fret ferroviaire d’ici 10 ans et installer cette relance dans la durée, il doit se réinventer en devenant une composante majeure d’une solution logistique globale au service des chargeurs. Cette approche « logistique ferroviaire », qui doit s’appuyer sur des connexions performantes des emprises logistiques (ports, plateformes logistiques, entrepôts) au réseau ferré national et européen, requiert la complémentarité entre le ferroviaire et les autres modes de transport (route, fluvial, maritime, aérien). Une démarche qui doit être animée par l’ensemble des acteurs de la chaîne (chargeurs, logisticiens, commissionnaires de transport, transporteurs routiers et fluviaux), en s’appuyant bien entendu sur l’ensemble des prestataires ferroviaires : gestionnaires de réseaux, entreprises ferroviaires, opérateurs de transport combiné, loueurs de wagons et d’UTI, ateliers.
Mais sur le plan stratégique, les dessertes des territoires ne peuvent être envisagées que rapportées à leur intégration dans le réseau européen. Il apparaît donc que de telles stratégies nécessiteraient une implication des territoires dans l’élaboration de ces politiques. En effet, pour certains territoires les flux potentiels sur un segment donné peuvent apparaitre peu captifs pour le marché alors que le développement durable du territoire appelle un redéploiement pérenne du fret ferroviaire ! L’exemple de la Bretagne est, à cet égard édifiant ! Région de de production, péninsulaire et périphérique, relativement éloignée des grandes zones de consommation, la non optimisation de l’économie logistique aurait pour effet d’encourager la délocalisation des productions pour se rapprocher de la région parisienne et du centre de l’Europe. En clair : ce n’est pas parce que le marché du ferroviaire n’est pas spontanément captif que le territoire n’en aurait pas besoin !
4. Besoin de cohérence et de coordination des différentes politiques de transports.
Si les recommandations du COI (Conseil d’orientation des Infrastructures) constitue une référence, il reste que nous ne connaissons pas toujours son avis sur un certain nombre de projets se rapportant au fret. Ainsi, par exemple, la décision prise de permettre à la CEA d’Alsace d’instaurer une écotaxe sur les transports routiers implique-t-elle une affectation de ces ressources nouvelles à une politique de transports de marchandises alternative à la route ? Non, et il est vraisemblable que les moyens financiers prélevés ici aillent financer…la route !
Autre exemple encore : les politiques nationales en matière portuaire ne connaissent que les GPM (Grands Ports Maritimes) ce qui veut dire que les dessertes ferroviaires des ports décentralisés ne sont pas dans le réseau des transports de marchandises ! Ainsi, le port de Brest, qui vient d’intégrer le réseau global du réseau RTET et qui bénéficie d’un positionnement maritime privilégié aurait besoin d’un débouché terrestre le connectant à l’Est Parisien pour se raccorder au mieux au réseau Européen… ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas…