Contre la régionalisation de l'écotaxe ! - Sénateur Gérard LAHELLEC

Contre la régionalisation de l'écotaxe !

Contre la régionalisation de l'écotaxe !

 

 

 

Nous sommes donc invités à émettre un avis sur les ordonnances gouvernementales visant à permettre d’instaurer une écotaxe régionalisée en Alsace.


Nonobstant le travail de qualité, que je veux souligner à mon tour, de nos rapporteurs et de toutes celles et de tous ceux qui ont travaillé sur les amendements déjà évoqués ici, nous considérons que le projet pose des questions fondamentales sur lesquelles il n’est pas superflu de s’attarder.

 

En effet, si l’on peut comprendre que les collectivités qui subissent quotidiennement les nuisances découlant de la circulation d’un trop grand nombre de camions, il n’en reste pas moins que toutes les régions de France ne sont pas confrontées aux mêmes réalités ni aux mêmes dynamiques économiques découlant de telles circulations de transit !

 

 

 

Par exemple, si l’Alsace et la Bretagne, qui se trouvent presque sur la même latitude, ont beaucoup de points communs, les circulations de transit ne sont pas exactement les mêmes. À mon sens, le jour où on l’aura compris, on aura aussi commencé à saisir la signification de la révolte des « bonnets rouges », qui a eu lieu en Bretagne voilà quelques années.


Pour autant, je ne perds pas de vue que, entre l’Alsace et la Bretagne, il y a, si j’ose dire, la France.


Dès lors, une question fondamentale se pose. Devons-nous soutenir une décentralisation dans la République ou une décentralisation de la République ?


J’avais cru comprendre, au travers notamment de nos débats lors de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « projet de loi 3DS », que l’option était plutôt de soutenir la décentralisation dans la République. Il faut bien le reconnaître, les auditions que nous avons eues depuis lors ne nous rassurent pas totalement. Nous avons d’ailleurs constaté déjà qu’un certain nombre de réserves s’exprimaient sur le sujet.
Cela tient au fait que plusieurs ambiguïtés ne sont pas levées.
Tout d’abord, n’est pas totalement levée l’ambiguïté de l’échelon de compétence territoriale au niveau duquel s’exerce l’autorité en matière d’infrastructures de transports et de mobilités.


À ce propos, la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) prévoit que la compétence transports et mobilités incombe aux régions dans l’hypothèse où les collectivités de base ne l’assumeraient pas. Cela revient à dire que les régions auront à faire tout ce que les autres ne font pas. On appelle cela gérer les restes ; ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile !


Une telle ambivalence – à tout le moins ! – n’est pas saine et risque de devenir très vite un sujet de controverses, voire de conflits entre différents échelons de collectivités. Si l’on y ajoute le fait que, en matière d’infrastructures routières, ce sont les départements qui restent les référents, il apparaît que nos lois récentes ont créé une forme d’incohérence dont nous pouvons déjà mesurer quelques effets compliqués.


N’est pas levée non plus la question du financement des infrastructures et services de substitution à l’utilisation de la route ! Ainsi, les ressources financières qui résulteraient de l’instauration d’écotaxes régionales risqueraient d’aller alimenter les budgets généraux des collectivités, peut-être même pour entretenir les routes. Or, en réalité, c’est l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) qui a besoin de moyens financiers si nous voulons développer le fret ferroviaire !


N’est pas levé enfin l’obstacle réglementaire européen qui, au nom de la concurrence « libre et non faussée », interdit de taxer les poids lourds étrangers et autres véhicules terrestres circulant en France. Il y a donc un risque très vraisemblable de taxation de tous camions, y compris de ceux qui assurent des trafics domestiques. C’est, me semble-t-il, une faiblesse des trois ordonnances, telles qu’elles sont prévues.


Plus fondamentalement, il apparaît que les dispositions envisagées consistent plus à répondre positivement à quelques demandes anciennes qu’à définir un cadre vertueux au sein duquel une régionalisation véritable pourrait trouver sa place.

 

 

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